Une très importante réforme du droit des sociétés

Date. 16 septembre 2014
Catégorie. Legal Strategy

DROIT DES SOCIÉTÉS : De nouvelles mesures de simplification et de sécurisation.

Ord. 2014-863 du 31 juillet 2014 : JO du 2 août p. 12820

Le droit des sociétés a été bouleversé cet été par l’ordonnance du 31 juillet dernier par notamment, l’assouplissement des règles sur l’expertise du prix des titres, l’obligation de motiver la décision autorisant une convention réglementée et de réexaminer celles autorisées et dont l’exécution s’est poursuivie, la fixation des conditions de rachat des actions de préférence :

Nous vous proposons de prendre connaissance en synthèse des principales mesures.

I. Mesures applicables aux SARL

Réunion de l’assemblée annuelle

La possibilité de demander en justice la prolongation du délai de réunion de l’assemblée d’approbation des comptes, supprimée par une précédente loi de simplification (Loi 2012-387 du 22-3-2012), est rétablie (C. com. art. L 223-26, al. 1 modifié ; Ord. art. 4).

Associé d’EURL

L’interdiction pour une EURL d’avoir pour associé unique une autre EURL (C. com. art. L 223-5) est supprimée (Ord. art. 3). Cette interdiction, qui tendait à éviter le fractionnement excessif du patrimoine au détriment des créanciers, ne se justifie plus depuis que la loi permet à une société par actions simplifiée unipersonnelle (Sasu) d’être associée d’une autre Sasu (« chaîne » de Sasu) et autorise les entrepreneurs à adopter le statut de l’EIRL, qui leur permet d’affecter une partie de leur patrimoine à leur activité professionnelle.

II. Conventions réglementées dans les sociétés anonymes

L’ordonnance apporte trois aménagements à la procédure d’autorisation des conventions réglementées dans les sociétés anonymes (SA) et les sociétés en commandite par actions (SCA). Si la première mesure allège les contraintes pesant sur les groupes de sociétés, les deux autres visent à améliorer l’information des actionnaires et, de ce fait, alourdissent la tâche des sociétés.

Conventions conclues avec une filiale « à 100 % »

La procédure d’autorisation des conventions réglementées n’est désormais plus applicable « aux conventions conclues entre deux sociétés dont l’une détient, directement ou indirectement, la totalité du capital de l’autre » (C. com. art. L 225-39 et L 225-87 modifiés ; Ord. art. 6 et 9).

L’ordonnance précise que, le cas échéant, doit être déduit du capital le « nombre minimum d’actions requis pour satisfaire aux exigences de l’article 1832 du Code civil ou des articles L 225-1 et L 226-1 » du Code de commerce. Cette précision permet, par exemple, à une SA de bénéficier de l’exclusion lorsqu’elle a conclu une convention avec une autre SA dont elle détient « 99 % » du capital et dont les six autres actionnaires disposent chacun d’une action afin de satisfaire au minimum légal de sept actionnaires.

Dans les cas où la procédure a vocation à s’appliquer dans les deux sociétés (par exemple, SA détenue à 100 % par une autre SA ayant des dirigeants communs), elle est exclue tant chez la mère que chez la fille.

Motivation de la décision d’autorisation

Désormais, la décision d’autorisation préalable des conventions par le conseil d’administration (ou de surveillance) doit être motivée en justifiant de l’intérêt de la convention pour la société, notamment en précisant les conditions financières qui y sont attachées (C. com. art. L 225-38 dernier al. et L 225-86 dernier al. nouveaux ; Ord. art. 5 et 8).

 Cette obligation s’applique aux conventions autorisées à compter du 3 août 2014, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance.

 Le degré de précision de la motivation devra donc être ajusté au cas par cas.

 Réexamen annuel des conventions autorisées antérieurement

Actuellement, lorsque l’exécution de conventions conclues et autorisées au cours d’exercices antérieurs s’est poursuivie au cours du dernier exercice, le commissaire aux comptes doit en être informé dans le mois qui suit la clôture dudit exercice (C. com. art. R 225-30, al. 2 et R 225-57, al. 2). Le commissaire aux comptes fait ensuite état de cette information dans le rapport spécial qu’il présente à l’assemblée générale en mentionnant l’importance des fournitures livrées ou des prestations de services fournies ainsi que le montant des sommes versées ou reçues au cours de l’exercice en exécution de ces conventions (C. com. art R 225-31 dernier al. et R 225-58 dernier al.).

Désormais, les conventions conclues et autorisées au cours d’exercices antérieurs dont l’exécution a été poursuivie au cours du dernier exercice doivent en outre être « examinées chaque année par le conseil d’administration » (ou de surveillance) et « communiquées au commissaire aux comptes » pour les besoins de l’établissement du rapport spécial présenté à l’assemblée générale (Ord. art. 7 et 10 ; C. com. art. L 225-40-1 et L 225-48-1 nouveaux).

Sont concernées les conventions à durée indéterminée et les conventions à durée déterminée dont l’exécution s’étale sur plusieurs exercices.

Les conventions renouvelables par tacite reconduction ne sont pas visées puisqu’elles constituent un nouveau contrat (sauf le cas de la reconduction du bail commercial ou si les parties en sont convenues initialement) ; elles doivent donc être autorisées en tant que nouvelles conventions.

Cette obligation entre en vigueur immédiatement, si bien que, pour les assemblées qui se tiendront en 2015, devront être examinées toutes les conventions approuvées antérieurement et dont l’exécution s’est poursuivie au cours de l’exercice écoulé. Néanmoins, le conseil d’administration (ou de surveillance) peut décider de ne pas examiner les conventions conclues avec des filiales à 100 % autorisées avant le 2 août 2014, désormais exclues du champ d’application du contrôle des conventions réglementées (n° 6) (Ord. art. 38, I).

Mention de certaines conventions dans le rapport de gestion du conseil d’administration ou du directoire

Le rapport de gestion du conseil d’administration ou du directoire d’une SA doit désormais mentionner les conventions intervenues, directement ou par personne interposée, entre :

– d’une part, l’un des membres du directoire ou du conseil de surveillance, le directeur général, l’un des directeurs généraux délégués, l’un des administrateurs ou l’un des actionnaires disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 10 %, d’une société mère,

– d’autre part, une filiale dont la société possède, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital.

Sont néanmoins exclues les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales (C . com. art. L 225-102-1, dernier al. nouveau ; Ord. art. 11).

Cette nouvelle obligation, entrée en vigueur le 3 août 2014, vise les conventions conclues par un dirigeant ou un actionnaire significatif de la société mère avec une filiale. Il ne s’agit pas de conventions réglementées soumises à l’autorisation préalable du conseil d’administration ou de surveillance (C. com. art. L 225-38 et L 225-86) puisque la société mère n’est pas partie à la convention.

Selon le rapport au Président de la République, « il apparaît que les enjeux de telles conventions peuvent s’avérer significatifs (en cas d’exécution d’une prestation de conseil par exemple) pour la société mère, la société détenue par cette dernière et leurs actionnaires, alors que jusqu’à présent ces derniers n’étaient pas même informés de leur existence et, de ce fait, se retrouvaient privés de la faculté d’exercer un contrôle ».

Les conventions constituant une opération courante conclue à des conditions normales sont exclues du champ d’application dans les mêmes termes que pour les conventions « libres » conclues avec la société (C. com. art. L 225-39 et L 225-87), de sorte que les solutions concernant les conventions libres sont transposables.

III. Cession de parts et d’actions

A. FIXATION DU PRIX DE CESSION PAR UN EXPERT

L’article 37 de l’ordonnance modifie l’article 1843-4 du Code civil qui prévoit l’intervention d’un expert pour fixer le prix de cession des droits sociaux ou de leur rachat par la société en cas de contestation.

La nouvelle rédaction de l’article 1843-4 est entrée en vigueur le 3 août 2014. Elle est donc applicable aux demandes de désignation d’un expert faites sur le fondement de ce texte depuis cette date.

Réduction du champ d’application de l’expertise

Jusqu’à présent, l’expertise de l’article 1843-4 s’appliquait dans tous les cas où étaient prévus la cession ou le rachat de droits sociaux.

Désormais, cette expertise n’est obligatoire que :

– dans les cas où la loi renvoie à l’article 1843-4 « pour fixer les conditions de prix d’une cession » des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société (art. 1843-4, I-al. 1 nouveau);

– ou dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable (art. 1843-4, II-al. 1 nouveau).

Renvoi d’une loi à l’article 1843-4.

Le Code civil et le Code de commerce renvoient expressément à l’article 1843-4 notamment pour la fixation du prix de rachat des droits sociaux en cas de refus d’agrément de l’acquéreur proposé (C. com. art. L 223-14, al. 3, L 227-18, al. 1 et L 228-24, al. 2 ; C. civ. art. 1862) et de l’héritier d’un associé décédé (C. com. art. L 221-15, al. 6 et L 223-13, al. 5 ; C. civ. art. 1870-1) ainsi qu’en cas de retrait d’un associé (C. civ. art. 1869).

Rappelons que, dans les SAS, les statuts peuvent fixer les modalités de rachat des titres par la société en cas d’exclusion, de retrait d’un associé ou de refus d’agrément de l’acquéreur, l’article 1843-4 ne s’appliquant que dans le silence des statuts sur ce point (C. com. art. L 227-18).

Il résulte de la nouvelle rédaction de l’article 1843-4 qu’en cas de renvoi légal à ce texte, la présence d’une clause statutaire ou conventionnelle de détermination du prix ne fait pas obstacle à l’expertise. Mais l’expert devra respecter les modalités d’évaluation organisées par cette clause.

Cession prévue par les statuts.

L’expertise de l’article 1843-4 n’est maintenant ouverte, pour la cession ou le rachat organisé par les statuts, que si la valeur des droits sociaux n’est ni déterminée ni déterminable. Est ici visée tant l’hypothèse de l’absence d’une clause statutaire de détermination du prix que celle où cette clause ne permet pas d’aboutir à la fixation du prix. Si le prix est déterminable au regard des statuts, il n’est pas possible de recourir à l’expertise.

Devient donc obsolète la jurisprudence selon laquelle l’expertise de l’article 1843-4 prime toute clause statutaire de détermination du prix (Cass. com. 4-12-2007 n° 06-13.912 : RJDA 4/08 n° 421).

Cession prévue par un pacte extrastatutaire.

En visant expressément les seules cessions prévues par la loi ou par les statuts, le nouvel article 1843-4 exclut l’application de plein droit de l’expertise pour les autres cessions ou rachats, notamment celles organisées par un pacte d’actionnaires.

Sous l’empire de l’ancien article 1843-4, la Cour de cassation avait, dans un premier temps, imposé le recours à l’expertise pour les cessions prévues par un pacte d’actionnaire y compris s’il comportait une clause de détermination du prix (Cass. com. 24-11-2009 n° 08-21.369 : RJDA 4/10 n° 375, Rapport B. Petit p. 319 ; Cass. com. 4-12-2012 n° 10-16.280 : BRDA 1/13 inf. 1). Mais elle avait récemment exclu l’intervention de l’expert en cas de mise en œuvre d’une promesse unilatérale de vente de parts librement consentie par un associé dans un pacte d’actionnaires (Cass. com. 11-3-2014 n° 11-26.915 :

Existence d’une contestation.

Comme auparavant, l’article 1843-4 subordonne le recours à l’expertise à l’existence d’une contestation sur le prix de cession ou de rachat des titres.

Désignation de l’expert

La nouvelle rédaction de l’article 1843-4 ne revient pas sur les modalités de la désignation de l’expert : celui-ci est désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible.

La jurisprudence antérieure relative à ces modalités de désignation demeure donc toujours applicable : le président du tribunal est exclusivement compétent et les parties ne peuvent pas former un recours contre la décision du président.

Encadrement de la mission de l’expert

Sous l’empire de l’ancien article 1843-4, l’expert pouvait procéder à l’évaluation demandée selon les critères qu’il jugeait opportuns et il n’était donc pas tenu de faire application les méthodes d’évaluation préconisées par les parties, par les statuts, le règlement intérieur ou encore par le juge qui l’avait désigné (Cass. com. 19-4-2005 n° 03-11.790 : RJDA 8-9/05 n° 986 ; Cass. com. 5-5-2009 n° 08-17.465 : RJDA 8-9/09 n° 751 ; Cass. com. 3-5-2012 n° 11-12.717 :

 L’ordonnance met en grande partie un terme à cette liberté. En effet, l’expert doit désormais faire application, lorsqu’elles existent, des règles et modalités de détermination de la valeur fixées :

– par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties lorsque son intervention est prévue par la loi (art. 1843-4, I-al. 2 nouveau) ;

– par toute convention liant les parties pour les cessions organisées par les statuts (art. 1843-4, II-al. 2 nouveau).

Ce n’est donc qu’en l’absence de clause statutaire ou conventionnelle de détermination du prix, ou lorsque cette clause ne permet pas de déterminer le prix, que l’expert recouvre sa liberté d’évaluation.

La modification de l’article 1843-4 ne remet pas en cause le principe selon lequel l’évaluation de l’expert s’impose au juge et aux parties à moins qu’il n’ait commis une erreur grossière (notamment Cass. com. 12-6-2007 n° 05-20.290 : RJDA 10/07 n° 974).

B. FORMALITES DES CESSIONS DE PARTS DE SARL ET DE SOCIETE EN NOM COLLECTIF

L’acte de cession n’a plus à être déposé au greffe du tribunal de commerce. Désormais, la cession est rendue opposable aux tiers par le dépôt au greffe des statuts modifiés de la société faisant apparaître la nouvelle répartition du capital ; ce dépôt peut intervenir par voie électronique (C. com. art. L 221-14 modifié ; Ord. art. 2).

IV. Rachat d’actions de préférence

Conditions du rachat

L’ordonnance (art. 22) précise les conditions du rachat des actions de préférence.

Comme les autres actions, les actions de préférence peuvent être rachetées dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L 225-204 à L 225-214 du Code de commerce pour le rachat par une société de ses actions ordinaires (C. com. art. L 228-12, II nouveau) : notamment, le nombre d’actions pouvant être acquises est limité (jusqu’à 5 ou 10 % du capital selon les cas : art. L 225-209 et L 225-209-2), le rachat ne doit pas avoir pour effet d’abaisser les capitaux propres à un montant inférieur à celui du capital augmenté des réserves non distribuables et la société doit disposer de réserves, autres que la réserve légale, d’un montant au moins égal à la valeur des actions détenues (art. L 225-210) ; en outre, un registre des achats doit être tenu (art. L 225-211) et, si la société est cotée, elle doit informer l’Autorité des marchés financiers des rachats envisagés et réalisés (art. L 225-212).

Il est désormais possible de prévoir dans les statuts une clause organisant avant la souscription le principe et les modalités du rachat des actions de préférence. Dans ce cas, doivent uniquement être satisfaites, outre les conditions mentionnées aux articles L 225-210 à L 225-212 précités, les conditions suivantes (C. com. art. L 228-12, III nouveau ; Ord. art. 22).

1° L’acquisition ne peut être réalisée qu’au moyen de sommes distribuables au sens de l’article L 232-11 (bénéfice distribuable de l’exercice et montant des réserves libres) ou du produit d’une nouvelle émission de titres de capital effectuée en vue de ce rachat.

2° La valeur des réserves dont la société doit disposer en application de l’article L 225-210 est calculée par référence à la valeur nominale des seules actions de préférence rachetées. Ces réserves ne peuvent, sauf en cas de réduction du capital souscrit, être distribuées aux actionnaires. Elles ne peuvent être utilisées que pour augmenter le capital par incorporation de réserves.

3° Lorsque les statuts prévoient le versement d’une prime aux actionnaires à la suite du rachat, cette prime ne peut être prélevée que sur des sommes distribuables au sens de l’article L 232-11 ou sur une réserve prévue à cette fin autre que celle prévue au 2°. Cette réserve ne peut pas être distribuée aux actionnaires sauf en cas de réduction du capital souscrit. Elle ne peut être utilisée que pour augmenter le capital souscrit par incorporation de réserves, pour couvrir les frais d’émissions d’actions de préférence ou pour effectuer le versement d’une prime en faveur des détenteurs des actions de préférence rachetables.

4° Le rachat doit être à l’initiative exclusive de la société. L’émission d’actions rachetables à l’initiative des porteurs est donc interdite.

5° En aucun cas les opérations de rachat ne peuvent porter atteinte à l’égalité d’actionnaires se trouvant dans la même situation.

Sort des actions rachetées

Les actions peuvent être utilisées aux mêmes fins qu’en cas de rachat par une société de ses actions ordinaires : notamment, annulation par voie de réduction de capital, attribution aux salariés ou dirigeants, remise en échange dans le cadre d’une opération de fusion, de scission ou d’apport (C. com. art. L 228-12-1 nouveau, I ; Ord. art. 23).

Si les actions sont rachetées en application d’une clause statutaire, elles peuvent être conservées dans les conditions de droit commun (art. L 225-210 à L 225-214 : notamment interdiction pour la société de détenir plus de 10 % des actions de préférence émises, sans quoi les actions détenues irrégulièrement doivent être cédées dans l’année de leur rachat). Elles peuvent être cédées ou transférées par tous moyens. Si les statuts et le contrat d’émission le prévoient, elles peuvent également être annulées dans le cadre d’une réduction de capital. Dans ce cas, les créanciers peuvent exercer leur droit d’opposition, sauf si les réserves dont la société doit disposer en application de l’article L 225-210 (n° 28) sont affectées au remboursement des créanciers ; le solde peut ensuite être distribué aux actionnaires (C. com. art. L 228-12-1, II).

V. Autres opérations sur titres

Négociation du droit préférentiel de souscription

En cas d’augmentation de capital, le droit préférentiel de souscription des actions peut être détaché des actions pour être négocié. Actuellement, ce droit est négociable pendant toute la durée de la souscription à l’augmentation de capital. Après parution d’un décret, il le sera pendant une durée égale à celle de l’exercice du droit de souscription par les actionnaires mais qui débutera avant l’ouverture de celle-ci et s’achèvera avant sa clôture.

L’information des actionnaires sur les modalités d’exercice et de négociation de leur droit préférentiel de souscription sera précisée par le décret (C. com. art. L 225-132, al. 3 modifié ; Ord. art. 13). La date d’entrée en vigueur de cette disposition sera fixée par le décret et au plus tard le 1er octobre 2016 (Ord. art. 38).

Le délai accordé aux actionnaires pour l’exercice du droit de souscription ne peut pas être inférieur à cinq jours de bourse à dater de l’ouverture de la souscription (C. com. art. L 225-141, al. 1). Le décret devrait prévoir que la période de négociation des droits préférentiels de souscription débutera deux jours ouvrés avant la période de souscription des actions et s’achèvera deux jours ouvrés avant celle-ci. Bien que destinée à permettre aux sociétés offrant leurs titres au public de connaître plus rapidement la nouvelle composition de leur capital (Rapport précité), cette mesure s’appliquera aussi aux autres sociétés.

Vente des actions correspondant à des rompus

Lors de différentes opérations sur titres, quand il n’est pas possible d’attribuer un nombre entier d’actions nouvelles pour chaque action ancienne, les actionnaires peuvent être obligés d’acheter ou de vendre des droits d’attribution, appelés rompus. Dans certains cas, les actionnaires ne peuvent pas négocier les droits formant rompus et les actions correspondant à ces droits sont vendues par la société, le produit de la vente étant ensuite réparti entre eux. Le régime de cette vente est réaménagé pour simplifier son traitement et tenir compte de la dématérialisation des titres.

En cas d’augmentation de capital par incorporation de réserves, bénéfices ou primes d’émission, l’assemblée générale des actionnaires peut décider que les droits formant rompus ne seront ni négociables ni cessibles et que les actions correspondantes seront vendues par la société.

Actuellement, il est prévu que les sommes provenant de la vente sont allouées aux titulaires des droits au plus tard trente jours après la date d’inscription sur leur compte du nombre d’actions leur revenant (C. com. art. L 225-130, al. 1 et R 225-130). A compter du 1 er avril 2015, un décret imposera aussi un délai à la société pour procéder à la vente.

Un régime de vente spécifique fixé par décret s’appliquera en outre aux sociétés dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou aux opérations d’un dépositaire central, sauf si l’assemblée générale des actionnaires en décide autrement (C. com. art. L 225-130, al. 1 modifié ; Ord. art. 14). Le décret devrait prévoir que la vente sera effectuée par les teneurs de comptes-conservateurs (Rapport précité).

 Le régime de la vente des droits formant rompus lors de la réalisation d’opérations diverses se traduisant par des échanges de titres ou par l’attribution aux actionnaires de nouveaux titres de capital (fusion, scission, réduction de capital, regroupement ou division d’actions, etc.) est modifié.

Le nouveau régime entrera en vigueur le 1 er avril 2015. Une distinction est opérée selon le type de société.

– Nonobstant toutes stipulations statutaires contraires, les sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou aux opérations d’un dépositaire central pourront vendre les titres de capital correspondant à des droits formant rompus sur simple décision du conseil d’administration, du directoire ou des gérants et selon des modalités fixées par décret, à condition d’avoir procédé un an au moins à l’avance à une publicité définie par ce décret. A dater de la vente, les titulaires de droits formant rompus ne pourront plus prétendre qu’à la répartition en numéraire du produit net de cette vente (C. com. art. L 228-6 modifié ; Ord. art. 15).

– Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, un décret fixera les conditions et les modalités de la vente des titres et de la répartition des sommes provenant de celle-ci (C. com. art. L 228-6-1, al. 1 modifié ; Ord. art. 16). Le décret devrait prévoir que ces titres seront vendus de manière globale par les teneurs de comptes-conservateurs, les sommes tirées de cette vente étant ensuite réparties entre les intéressés (Rapport précité).

– Dans les sociétés dont les actions sont admises aux opérations d’un dépositaire central sans être cotées sur un marché réglementé, l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires aura le choix de procéder selon les modalités prévues pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou selon celles des sociétés « fermées » (C. com. art. L 228-6-1, al. 2 modifié ; Ord. art. 16).

VI. Titres de créance

Obligations au porteur identifiable

Actuellement, la procédure d’identification des détenteurs de titres de capital ou donnant accès au capital permet à une société cotée d’obtenir d’Euroclear France des renseignements nominatifs sur ces détenteurs. Cette procédure est désormais étendue aux détenteurs d’obligations au porteur (Ord. art. 18, 3°). La possibilité de demander l’identification de ces obligataires est ouverte, malgré le silence des statuts, à toute personne morale émettrice à l’exception des personnes morales de droit public. Cette possibilité peut toutefois être écartée par une clause du contrat d’émission (C. com. art. L 228-2, I modifié).

En cas de refus de l’intermédiaire financier de fournir les renseignements à Euroclear, le vote exprimé aux assemblées d’obligataires avec les obligations concernées ne sera pas pris en compte (art. L 228-3-2, al. 3 modifié ; Ord. art. 20).

La mesure nouvelle ne s’applique qu’aux obligations émises à compter du 3 août 2014 (Ord. art. 38, V) et non aux obligations déjà émises à cette date.

Obligations détenues par des non-résidents

Par dérogation au principe de l’inscription en compte des valeurs mobilières au nom de leur propriétaire, la loi autorise, on le rappelle, que les titres de capital cotés détenus par un non-résident soient inscrits en compte au nom d’un intermédiaire financier pour le compte du non-résident. Cette possibilité est désormais étendue aux obligations cotées (C. com. art. L 228-1, al. 7 modifié ; Ord. art. 17). S’il s’agit d’obligations nominatives, la société émettrice peut, comme pour les titres de capital nominatifs, demander à l’intermédiaire de lui révéler l’identité du détenteur (art. L 228-3, al. 1 modifié ; Ord. art. 19). En cas de refus (ou si l’intermédiaire ne s’est pas déclaré comme tel auprès de la société), le vote qu’il exprime aux assemblées d’obligataires ne sera pas pris en compte (art. L 228-3-2, al. 3 modifié ; Ord. art. 20).

La mesure nouvelle ne s’applique qu’aux obligations émises à compter du 3 août 2014 (Ord. art. 38, V) et non aux obligations déjà émises à cette date.

Titres de créance innomés

De nombreux titres représentatifs d’un droit de créance (tels les warrants financiers et les certificats de valeur garantie) créés par la pratique et non prévus par le Code de commerce sont émis sur les marchés financiers (titres de créance dits « innomés »). L’article 25 consacre la validité de principe de l’émission par les sociétés par actions de titres de créance autres que les obligations et les titres participatifs et renvoie aux statuts de la société émettrice ou, le cas échéant, au contrat d’émission le soin de fixer le régime de ces titres (C. com. art. L 228-36-A nouveau).

VII. Valeurs mobilières composées

Des précisions sont apportées par l’ordonnance (art. 28 s.) sur certains points du régime des valeurs mobilières dites composées émises par les sociétés par actions, ainsi dénommées car elles donnent droit à d’autres titres (obligations échangeables ou remboursables en actions, obligations ou actions avec bon de souscription d’actions, etc.) émanant soit de la société qui les a émises soit d’une autre société. Ces précisions simplifient notamment les conditions d’émission de ces valeurs sans bouleverser l’économie générale de leur régime. Est ainsi maintenue, par exemple, l’interdiction de prévoir la conversion ou la transformation des titres de capital émis par la société en titres de créance (C. com. art. L 228-91).

Emission de valeurs donnant accès à des titres de la société émettrice

Jusqu’à présent, toute émission de valeurs mobilières composées devait être autorisée par l’assemblée générale extraordinaire de la société émettrice, même si l’émission portait sur des obligations donnant droit à des actions existantes ou à d’autres obligations (C. com. art. L 228-92 ancien).

Désormais, la compétence de l’assemblée est limitée aux seules émissions de titres de capital donnant droit à des titres de créance ou à d’autres titres de capital et aux émissions de toute valeur (action, obligation, etc.) donnant droit à des titres de capital à émettre (art. L 228-92, al. 1 nouveau). En effet, de telles émissions emportant un effet dilutif (immédiat ou à terme) sur le capital, l’autorisation des actionnaires se justifie.

En revanche, l’émission de titres de créance, donnant droit à d’autres titres de créance ou à des titres de capital existants n’a pas à être autorisée par l’assemblée. L’émission d’obligations (ou de titres participatifs) relève de la compétence des organes de direction (conseil d’administration ou directoire de société anonyme, président de société par actions simplifiée, gérant de société en commandite par actions) et l’émission de titres de créance innomés est décidée dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par le contrat d’émission (art. L 228-92, al. 3 nouveau).

Les actionnaires ne bénéficient plus du droit préférentiel de souscrire à toute valeur mobilière donnant accès au capital. Le droit préférentiel de souscription ne s’applique désormais qu’aux seules émissions autorisées par l’assemblée générale extraordinaire en raison de leur effet dilutif (art. L 228-92, al. 2 nouveau).

Emission de valeurs donnant accès à des titres d’une autre société

Jusqu’à présent, une société pouvait émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital d’une société qui détenait la majorité de son capital ou dont elle détenait la majorité du capital (société contrôlante ou contrôlée). L’émission devait alors être autorisée non seulement par l’assemblée extraordinaire de la société émettrice mais aussi par celle de la société contrôlante ou contrôlée (C. com. art. L 228-93 ancien).

Désormais, cette double autorisation ne s’impose que si les titres de capital auxquels donnent droit les valeurs sont des titres à émettre (art. L 228-93, al. 1 et 2 modifiés). Elle ne s’impose pas en cas d’émission de titres de capital donnant droit à des titres de capital existants ou – ce qui est nouveau – à des titres de créance de la société contrôlante ou contrôlée. Dans ce cas, seule l’autorisation de l’assemblée de la société émettrice est requise (art. L 228-93, al. 3 nouveau).

La société peut aussi émettre des titres de créances donnant droit à des titres de capital existants ou à des titres de créance de la société contrôlante ou contrôlée dans les conditions mentionnées n° 40 (art. L 228-93, al. 6 nouveau).

Les actionnaires de la société contrôlante ou contrôlée appelée à émettre les titres de capital auxquels donnent droit les valeurs émises ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit préférentiel de souscrire à ces valeurs. Lorsque l’application de cette règle aboutit à ce que les droits de souscription d’actionnaires de plusieurs sociétés portent sur un même titre de capital à émettre, les assemblées autorisant les émissions doivent, à peine de nullité de la décision d’émission, autoriser la suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires dans une ou plusieurs de ces sociétés (art. L 228-93, al. 4 et 5 nouveaux).

Autre nouveauté de l’ordonnance (art. 30) : les sociétés peuvent émettre des valeurs donnant droit à des titres de capital existants ou à des titres de créance d’une société qui ne détient pas la majorité de son capital ou dont elle ne détient pas la majorité du capital ; les conditions et modalités d’accès ou d’attribution de ces titres doivent être définies par le contrat d’émission (C. com. art. L 228-94 nouveau, al. 1).

Si l’émission porte sur des titres de capital, elle doit être autorisée par l’assemblée générale extraordinaire de la société émettrice. Si elle porte sur des titres de créance, elle est décidée dans les conditions mentionnées n° 40 (art. L 228-94, al. 2 et 3).

Protection des porteurs de valeurs donnant accès au capital

La société doit prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des porteurs de valeurs donnant accès au capital si elle décide d’augmenter son capital, de distribuer ses réserves ou de modifier la répartition de ses bénéfices par la création d’actions de préférence. Ces mesures peuvent notamment consister à ajuster les conditions de souscription, les bases de conversion ou les modalités d’échange des titres pour tenir compte de l’incidence de telles opérations (C. com. art. L 228-99). Il est expressément prévu que des mesures de protection supplémentaires destinées à tous les porteurs peuvent être prévues dans le contrat d’émission (art. L 228-99, al. 7 nouveau ; Ord. art. 34).

L’ordonnance impose également à une société cotée qui rachète ses propres actions à un prix supérieur au cours de bourse d’ajuster les conditions de souscription, les bases de conversion ou les modalités d’échange des titres pour garantir que la valeur des titres de capital qui seront obtenus en cas d’exercice des droits attachés aux valeurs donnant accès au capital après le rachat sera identique à la valeur des titres de capital qui auraient été obtenus en cas d’exercice de ces droits avant cette opération (art. L 228-99, al. 8 nouveau). Cette mesure est déjà prévue par un texte réglementaire (C. com. art. R 228-90) et l’ordonnance lui confère une base légale.